Le Mari invisible de Frick Island by Colleen Oakley

Auteur:Colleen Oakley [Colleen Oakley]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Hauteville
Publié: 2022-01-05T00:00:00+00:00

Chapitre 16

Une brise fraîche soufflait par la fenêtre ouverte de la chambre d’Anders au premier étage du bed and breakfast. Pour une fois, la température était parfaite. Le lit confortable. Anders s’était même habitué au silence de mort qui régnait la nuit. Pourtant, il ne parvenait pas à dormir. Il aurait dû être au septième ciel après avoir enfin réussi à interviewer Piper. Le résultat n’avait rien de renversant, bien sûr, mais c’était un pas dans la bonne direction, vers un meilleur épisode. Quand il avait commencé, Piper avait été un sujet, un personnage intéressant d’une histoire improbable. Mais quelque chose avait changé, sur la plage, et au lieu d’un personnage, d’un sujet, il commençait à la voir pour ce qu’elle était – une personne. Une personne passionnée par les insectes qui souffrait d’un trouble délirant étrange et avait un goût affreux pour les cookies des Éclaireuses (tout le monde savait que les Do-si-dos étaient bien meilleurs), mais une personne tout de même. Et le fait de ne pas se montrer honnête envers elle au sujet de l’objet principal de son reportage avait transformé le nœud qui s’était formé dans son estomac en une boule de bowling. Bon, de toute façon, les gens avaient commencé à se désintéresser de son podcast, raisonna-t-il, et ce n’était pas comme s’il disposait d’une nouvelle explosive à ajouter à son histoire. Peut-être qu’il était temps de tourner la page.

Mais Anders ne voulait pas tourner la page. C’était bien le problème.

Quand la grande aiguille de la pendule passa à 00 h 42, fatigué de se tourner et de se retourner en vain dans son lit, Anders se leva et alla se planter devant la fenêtre obscure. La lune se reflétait sur les eaux calmes de la baie en une touche discontinue de lumière blanche. Anders ressentit le besoin urgent de s’en rapprocher. De la voir sans la barrière de la fenêtre. Il glissa ses pieds dans ses chaussures en toile sans lacets et ouvrit la porte de sa chambre, s’immobilisant brusquement en entendant les gonds grincer. Il tendit l’oreille, guettant un mouvement et, après avoir décidé que la voie était libre, il tira de nouveau le battant, mais cette fois tout doucement. Quand enfin il l’eut écarté suffisamment, il se faufila dans le couloir au sol couvert de moquette, puis descendit l’escalier.

Ce n’était pas seulement qu’il ne voulait réveiller personne. Sortir en douce si tard lui procurait une sensation de clandestinité. Comme s’il y avait un couvre-feu sur l’île et qu’il l’enfreignait. Une fois dehors, il remonta l’allée du jardin et traversa la route plongée dans l’obscurité. Une fois qu’il eut atteint l’herbe de l’autre côté, il marcha jusqu’au rivage, là où l’eau embrassait la terre. Debout dans son pantalon de pyjama à carreaux et un vieux tee-shirt barré du nom du journal de son université, il contempla l’eau scintillante et respira l’air salé auquel se mêlait l’odeur d’herbe terreuse, puis s’efforça de faire le vide dans son esprit – en vain.

Une brise se leva sur l’eau, comme un appel.

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